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Jérôme Garcin : copinages, connivences et renvois d’ascenseur (toujours)

par Denis Souchon,

La position médiatique dominante de Jérôme Garcin assure un important et chaleureux accueil médiatique au dernier livre de l’écrivain Jérôme Garcin... comme pour ses précédents livres.

Il y a quatre ans déjà nous écrivions que « par la place qu’il occupe dans la presse écrite (directeur adjoint du Nouvel Observateur [devenu L’Obs en 2014 par effet de la pensée-twitter] et responsable des pages « littéraires » de l’hebdomadaire), et à la radio (animateur de la très écoutée – 600 000 auditeurs chaque dimanche soir – émission « Le Masque et la Plume » sur France Inter), Jérôme Garcin est un critique influent dans le monde littéraire. Celui qui – il y a plus de vingt ans – avait très justement dit qu’« on ne peut pas être juge et partie » jouit aujourd’hui d’un traitement de faveur qui – qu’on le veuille ou non – n’est pas simplement dû à son talent, mais aussi (et surtout) à son pouvoir d’influence. »
A l’époque nous analysions la réception enthousiaste d’un livre de Jérôme Garcin sorti début 2011. Quatre ans plus tard, à l’occasion de la parution début janvier 2015 d’un nouveau livre de Jérôme Garcin, nous constatons que, sans tambours à la BHL, ni trompettes à la Michel Onfray, la machine promotionnelle Garcin continue de tourner à plein régime et porte à un haut degré de raffinement « des pratiques très répandues dans le microcosme littéraire : copinage (de la part des copains), connivence (de la part des collègues) et renvoi d’ascenseur [et/ou hommages obligés] (de la part de tous les autres, écrivains ou futurs écrivains). »

Copinages

... Les copines et le copain du Masque et la Plume.

Comme nous l’apprennent les magazines de management pour managers qui veulent manager il y a des patrons charismatiques qui suscitent l’admiration de leurs employés. C’est le cas du patron du Masque et la Plume qu’est Jérôme Garcin. La preuve par trois :

- Olivia de Lamberterie est journaliste à Elle et chroniqueuse littéraire au Masque et la Plume. Le 6 janvier 2015 elle livre une analyse fort critique dans Télématin sur France 2 du livre de son patron du Masque et la Plume en déclarant : « C’est un livre très, très exaltant. [...] C’est un livre incroyable parce que c’est un livre lumineux [...] C’est un livre qui est parcouru par la grâce, porté par une écriture magnifique [...] Ce livre est si touchant ».

- Patricia Martin a siégé avec Jérôme Garcin au jury du Prix décembre de 2001 à 2010, et est chroniqueuse littéraire au Masque et la Plume. Elle prend le risque d’interviewer sans complaisance Jérôme Garcin dans L’invité littéraire du 7/9 de France Inter le 1er février 2015 : « Alors en principe on ne reçoit pas son patron puisque vous êtes mon patron au Masque et la Plume, mais tant pis, j’enfreins la règle, j’ai trop aimé votre livre Le voyant. »

- Frédéric Beigbeder est un ancien chroniqueur du Masque et la Plume, a siégé avec Jérôme Garcin et Patricia Martin de 2003 à 2010 au jury du Prix décembre, et est depuis 2011 membre du jury du prix Renaudot, avec... Jérôme Garcin. Dans Le Figaro Magazine du 13 février 2015 il livre une analyse toute en retenue du dernier livre de Jérôme Garcin : « Que cherche Jérôme Garcin dans tous ses livres ? Son père, son frère, un héros, des modèles, une raison de vivre… avec panache. »

Synthèse : des chroniqueurs du Masque et la Plume ont « trop aimé » ce livre « si touchant » écrit « avec panache ».

Connivences

... Les collègues de Radio France.

Avec Jérôme Garcin l’expression « tourner en rond » prend une saveur inédite. En effet, le bâtiment de Radio France est familièrement appelé « La maison ronde » , et Jérôme Garcin paie de sa personne en faisant le tour des studios de Radio France pour se faire interviewer par des confrères qui ne lui veulent que du bien :

- le 6 janvier 2015 il trouve asile Philippe Vallet dans Le livre du jour sur France Info,

- le 20 janvier 2015 il est accueilli par Brigitte Kernel dans Lire avec sur France Inter.

- Le 24 janvier 2015 il est hébergé par Colette Fellous dans Carnet nomade sur France Culture.

- Le 17 février 2015 il reçoit l’hospitalité de Tewfik Hakem dans Un autre jour est possible sur France Culture.

- le 27 février 2015 il est écouté religieusement par Thomas Rozec dans La discothèque de... sur France Musique.

- Le 9 mars 2015 il prend des cours de conduite avec Mathias Deguelle dans Conduite accompagnée sur France Inter.

Pour les rares auditeurs des stations de Radio France qui auraient échappé à ce quadrillage des ondes par Jérôme Garcin de vaillants garcinophiles se dévouent pour rendre compte du dernier livre de leur collègue :

- le 24 janvier 2015 Colombe Schneck lui consacre sa chronique En haut de la pile sur France Inter.
- le 28 février 2015 dans A livre ouvert sur France Info Valérie Expert donne la parole au libraire Gérard Collard qui s’enthousiasme pour le livre de Jérôme Garcin [1].
- le 13 mars 2015 Arnaud Laporte lui consacre une partie de La dispute sur France Culture.

Connivences toujours

... esprit d’entreprise.

Dans L’Obs du 8 janvier 2015 Didier Jacob chante les louanges du « récit aussi poignant qu’inspiré » de son patron Jérôme Garcin. Normal...

Depuis début 2013, L’Obs a pour actionnaire majoritaire le trio BNP (Bergé, Niel, Pigasse). Il n’est donc pas surprenant que le 22 décembre 2014 Pierre Bergé salue sur twitter le « Superbe livre de Jérôme Garcin ». Fait notable : Pierre Bergé et Jérôme Garcin ont siégé ensemble au jury du Prix décembre de 2001 à 2010. Comme le monde est petit.
Le trio Bergé, Niel, Pigasse est aussi propriétaire du Monde. C’est donc plein de bonne volonté que dans le supplément livres du Monde daté du 6 février 2015 Jean Birnbaum trempe sa plume dans l’encens pour écrire à propos de l’opus de Garcin [qu’à] « la vaste grisaille du conformisme, justement, ce texte oppose les intenses couleurs de la liberté. »

Renvois d’ascenseur et/ou hommages obligés

... Les cinq cavaliers de l’amitié.

Une vie passée dans le microcosme littéraire assure à Jérôme Garcin de spontanés témoignages d’affection :

- Dans Le Figaro du 15 janvier 2015 Marc Dugain sort la mandoline : « Jérôme Garcin, maître de la littérature généreuse, poursuit son œuvre [...]. Une fois de plus, il nous enchante [...]. Jérôme Garcin lui rend grâce avec une sincérité pleine de chaleur alliée à une écriture belle et humble pour rendre ce livre exceptionnel. »
Dans Cavalier seul paru en 2006 Jérôme Garcin écrivait : « 10 mai Marc Dugain vient me chercher au journal pour déjeuner. Pas rasé, il sent la campagne. (...) c’est le cavalier qui, sous mes yeux, respire le bonheur. »

- Dans un article mis en ligne le 6 février 2015 sur son blog Gilles Pudlowski est catégorique : « Son livre est à la fois fort, poignant, bouleversant, éclairant, comme une leçon de vie. » Dans Le Nouvel Observateur du 23 juin 2011 Jérôme Garcin lui aussi était catégorique à propos de Gilles Pudlowski : « (...) à la fin des années 1970, je partageais un bureau avec Gilles Pudlowski aux « Nouvelles littéraires » (...) C’est Jean-François Kahn, nez creux et fine gueule, qui lui confia, aux « Nouvelles littéraires », sa première chronique gastronomique. Il s’en acquitta avec talent - le bougre savait écrire (...) ».

- Dans le numéro de mars 2015 de L’Orient littéraire Jean-Noël Pancrazi s’enflamme : « (...) ce livre admirable d’empathie et d’intensité généreuse, soutenu par un style précis et fervent, à la fois plein de grâce et de minutie (...) ce livre impeccable et droit, noble et empreint d’une merveilleuse fraternité. »
Jean-Noël Pancrazi est membre du jury du prix Renaudot, comme ... Jérôme Garcin, ça crée des liens.
Dans Le Nouvel Observateur du 29 mars 2012 Jérôme Garcin prenait feu pour un livre de Jean-Noël Pancrazi : « (...) en moins de cent pages, dans un style d’une poignante beauté (...) Voici le grand livre d’un petit survivant. »

- Dans Le Journal du Dimanche du 11 janvier 2015 Bernard Pivot évoque « un livre admirable, cambré, sincère ».
Dans Le Nouvel Observateur du 20 septembre 2012 Jérôme Garcin enfilait les perles en rendant compte d’un livre de Bernard Pivot « Un homme qui, à 77 ans [Bernard Pivot], se demande encore pourquoi le ciel et la mer sont bleus a mérité de garder son âme d’enfant. Ce que Bernard Pivot dit des mots - « de jolis appâts qui cachent des hameçons » vaut pour ce livre en trompe-l’oeil où les vraies réponses sont dans les questions comme les perles dans les huîtres. »

- Sur son site La République des livres le 12 janvier 2015 Pierre Assouline parle du « lumineux récit » de Jérôme Garcin [2]

Renvois d’ascenseur et/ou hommages obligés encore

... Interviewer Jérôme Garcin ou chroniquer le livre de Garcin Jérôme, une figure imposée.

De par sa position dominante dans le journalisme à prétention culturelle Jérôme Garcin est quasiment incontournable pour tout journaliste se croyant cultivé ou étant dans l’obligation de complaire à sa hiérarchie pour pouvoir survivre.
C’est ainsi que Jérôme Garcin est interviewé :


- le 29 décembre 2014 par Jean-François Cadet dans Vous m’en direz des nouvelles ! sur RFI,
- le 6 janvier 2015 par Frédéric Taddéi dans Europe 1 social club sur Europe 1,
- le 11 janvier 2015 par Sébastien Dubos dans La Dépêche,
- le 23 janvier 2015 par Jean-Pierre Elkabbach dans Bibliothèque Médicis sur Public Sénat,
- le 4 février 2015 par Olivier Bellamy dans Passion Classique sur Radio Classique,
- le 11 février 2015 par Monique Atlan dans Dans quelle éta-gère sur France 2,
- le 19 février 2015 par François Busnel dans La grande librairie sur France 5. François Busnel est un ancien de France Inter et le 5 mars 2015 L’Express mettait en ligne une critique élogieuse du livre de Jérôme Garcin signée François Busnel,
- le 23 février 2015 par Elise Lucet dans le JT de 13h sur France 2,
- le 25 février 2015 par Sylvain Augier dans Qu’est-ce qui vous fait courir ? sur Sud radio,
- le 3 mars 2015 par Vanina Le Gall dans La Nouvelle République,
- le 18 mars 2015 par Mélanie Croubalian dans Entre nous soit dit sur la RTS.

Et c’est ainsi que le livre de Jérôme Garcin est chroniqué :


- le 5 janvier 2015 par Olivier Barrot dans Un livre, un jour sur France 3,
- le 21 janvier 2015 par Arnaud Schwartz dans La Croix,
- le 22 janvier 2015 par Philippe Labro sur le site du Point,
- le 23 janvier 2015 par Philippe Labro dans Direct Matin,
- le 25 janvier 2015 par Jean-Marie Planes dans Sud Ouest,
- en février 2015 par Vincent Landel dans Le magazine littéraire,
- le 12 février 2015 par Jean-Claude Lebrun dans L’Humanité,
- le 16 février 2015 par Pierre Vavasseur dans Le Parisien,
- le 21 février 2015 par Jean-Bernard Vuillème dans Le Temps,
- le 3 mars 2015 par Jérôme Leroy dans Valeurs actuelles,
- le 14 mars 2015 par Joël Le Bigot sur Radio Canada,
- le 22 mars 2015 par Alexandra Lemasson dans desmotsdeminuit.fr.

***

Il n’est pas difficile de prévoir quel sera l’accueil médiatique du prochain livre de Jérôme Garcin. Mais imaginons que Jérôme Garcin et ses thuriféraires soient des pélicans, et alors là il y a peut-être un espoir :

Le capitaine Jonathan,
Étant âgé de dix-huit ans,
Capture un jour un pélican
Dans une île d’Extrême-Orient.
Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un oeuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.
Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un oeuf tout blanc
D’où sort, inévitablement
Un autre qui en fait autant.
Cela peut durer pendant très longtemps
Si l’on ne fait pas d’omelette avant.

Robert Desnos

Denis Souchon

 
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Notes

[130 mars 2015, 14h30 : Valérie Expert a tenu à nous faire savoir via Twitter que le livre avait été évoqué « en toute liberté » et qu’elle ne fait pas partie du « système Garcin ». Dont acte.

[2Le 18 janvier 2006, Pierre Assouline, sur son blog, après avoir encensé un livre de Jérôme Garcin, tentait (en vain) de dénier ses renvois d’ascenseur avec Jérôme Garcin : « Avis à d’autres obsédés, ceux du renvoi d’ascenseur. Jérôme Garcin dirige les pages culturelles du Nouvel Observateur auxquelles il m’arrive de collaborer. Je lisais et louais ses livres avant ; je ne vais ni m’arrêter de les lire ni les accabler au seul motif que. Ceci dit pour éviter à quelques uns les éternels poncifs sur la rhubarbe et le séné littéraires. S’ils s’obstinent, par avance, je leur dis : Messieurs les ascenseurs, bonsoir ».

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